Tribune : Installation du nouveau Directeur au CAMI et le report de la remise et reprise au 17 juin 2021, Que cachent tous ces atermoiements ? il y a lieu de bien analyser cette situation avec des lunettes juridiques afin d’apprécier la dynamique dans laquelle s’est inscrite la ministre des Mines, Antoinette N’samba.

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L’INSTALLATION DU NOUVEAU CONSEIL D’ADMINISTRATION ET DIRECTION GÉNÉRALE DU CADASTRE MINIER: QUE CACHENT CES ATERMOIEMENTS ? TRIBUNE DE MAÎTRE DANI OLEKO)

Ce jeudi 27 mai 2021, Madame la Ministre des Mines, Antoinette N’Samba Kalambayi a, dans sa correspondance référencée CAB.MIN/MINES/ANSK/00465/01/2021, demandé à Monsieur Jean-Félix Mupande Kapwa, Directeur Général sortant du Cadastre Minier, « de prendre toutes les dispositions nécessaires pour faire la remise et reprise avec le Directeur Général entrant, ce lundi 31 mai 2021 à 10 heures 30’, sous la supervision des messieurs le Secrétaire général aux Mines et le Directeur de son cabinet ». Cette correspondance n’a pas été suivie d’effet. Pour cause, un report au 17 juin 2021, à l’initiative de Madame la Ministre a été notifié au Directeur Général de cet établissement public par sa lettre n° CAB.MIN/MINES/ANSK/00500/01/2021 du 31 mai 2021 dont la capture a visiblement été publiée dans les réseaux sociaux par les services du CAMI.

Il est en même temps fait interdiction formelle au Directeur Général sortant, Monsieur Jean-Félix Mupande Kapwa, de poser des actes de disposition des biens ou des fonds ou de faire des mouvements du personnel de l’établissement public.

C’est le lieu de signaler que les fonctions de Monsieur Jean-Félix Mupande Kapwa ont théoriquement pris fin par l’ordonnance n° 18/138 du 27 décembre 2018 portant nomination des membres du Conseil d’administration et de la Direction générale d’un Etablissement public dénommé Cadastre Minier, en sigle « CAMI », laquelle nommait cinq membres du Conseil d’administration, parmi lesquelles Madame Chantal Bashizi Lembo, nommée en plus Directeur Général du CAMI.

Après près de trente mois d’inexécution de l’ordonnance susmentionnée, la nouvelle patronne des Mines de la RDC est plus que déterminée à exhumer la légalité dans les structures organiques de cet établissement public qui joue un rôle clé dans la gestion du secteur minier en République Démocratique du Congo.

Au regard de toutes ces péripéties, il y a lieu d’analyser cette situation avec des lunettes juridiques en vue, d’une part, d’apprécier la dynamique dans laquelle s’est inscrite la nouvelle patronne des Mines, à l’aune du droit public congolais et, d’autre part, de tenter de comprendre les raisons de ce retard observé dans l’installation des membres du Conseil d’administration.

Dans sa première correspondance, la Ministre ne cache pas son intention d’exécuter l’Ordonnance n° 18/138 du 27 décembre 2018 portant nomination des membres du Conseil d’administration et de la Direction générale d’un Etablissement public dénommé Cadastre Minier, en sigle « CAMI », que certaines mauvaises langues taxent d’irrégulière sans en démontrer les griefs.

Qu’en est-il de l’ordonnance évoquée par la Ministre ?

Cette ordonnance a été prise par l’ancien Président de la République Joseph Kabila et contresignée par l’ancien premier Ministre Bruno Tshibala Nzenzhe en date du 27 décembre 2018 ; son préambule fait référence, non seulement à la Constitution, aux lois et autres actes de la République, mais aussi aux dossiers individuels des personnes concernées par les nominations. La régularité de ces nominations doit être appréciée sur base de trois critères : la compétence, la procédure et la forme de l’acte. La compétence de l’auteur de l’acte aux termes de l’article 81 de la Constitution du 18 février 2006, « (…), le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des Ministres : (…) 5. Les responsables des services et établissements publics (…) ».

L’article 9 de la loi n° 08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics dispose que « les membres du Conseil d’Administration sont nommés, relevés de leurs fonctions et, le cas échéant, révoqués par Ordonnance du Président de la République, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des Ministres ».

Ces deux dispositions mettent en lumière la compétence du Président de la République pour nommer les membres du Conseil d’administration des établissements publics en RDC.

Quant au CAMI, c’est l’article 12 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier telle que modifiée et complétée par la loi n° 18/001 du 09 mars 2018 qui fixe sa nature juridique comme étant est un établissement public chargé de la gestion du domaine minier ainsi que celle des titres miniers et des carrières et placé sous la tutelle du Ministre ayant les mines dans ses attributions.

Il n’y a donc pas de doute qu’il n’existe aucun grief à cette ordonnance sur le plan de la compétence matérielle.

La Procédure de la Constitution et la loi prévoient que la nomination des responsables d’un établissement public doit intervenir sur base d’une proposition du Gouvernement, laquelle découlera de la délibération au Conseil des Ministres. L’ordonnance sous examen mentionne dans son préambule qu’elle a été prise sur proposition du Gouvernement, laquelle ne pouvait qu’émaner du Conseil des Ministres. La forme de l’acte et la nomination doit enfin être coulée dans une ordonnance contresignée par le premier Ministre, conformément à l’article 79, alinéas 3 et 4 de la Constitution ; ce qui a été le cas avec l’ordonnance sous examen, contresignée par l’ancien premier ministre Bruno Tshibala Nzenzhe.

Tout compte fait, cette ordonnance ne souffre d’aucune irrégularité, du moins sur le plan du droit public congolais. De surcroît, elle a été publiée au numéro spécial du Journal Officiel de la république Démocratique du Congo du 15 janvier 2019. Il était donc de bon aloi et grand temps que Madame Antoinette N’Samba Kalambayi restaure la légalité.
L’intervention de la Ministre des Mines ou le fondement de l’intervention de la Ministre des Mines, c’est, non seulement l’article 93 de la Constitution qui rend le Ministre responsable de son département, mais aussi l’article 4 de la même ordonnance qui est ainsi libellé : « Le Ministre des Mines est chargé de l’exécution de la présente Ordonnance qui entre en vigueur à la date de sa signature ». Il appert qu’il n’y a ni irrégularité ni scandale dans la démarche de l’actuelle Ministre des Mines, il n’y a que des gens qui cherchent des poux dans une tête chauve. Les allégations de certaines langues selon lesquelles Madame Chantal Bashizi Lembo aurait lamentablement échoué au test d’embauche organisé par la Banque Mondiale à l’époque relèvent simplement du ridicule, en ceci que les lois en vigueur en République Démocratique du Congo ne prévoient nullement un test de la Banque mondiale pour être nommé responsable d’un établissement public, en l’occurrence le Cadastre Minier.
En outre, même si irrégularités il y avait dans le processus de sa nomination par ordonnance, il ne reviendrait pas à Madame la Ministre d’apprécier la légalité de l’ordonnance du Président de la République.

À ce sujet, le droit administratif enseigne qu’un acte administratif jouit des privilèges du préalable et d’exécution d’office. En vertu de ceux-ci, l’administration dispose de la capacité d’édicter des actes sans requérir le consentement des administrés ni l’autorisation du juge et de les faire exécuter nonobstant les allégations d’illégalité ou recours exercé contre lesdits actes.

L’irrégularité pointée ne réside donc pas dans l’installation du Directeur général entrant ; ce qui est irrégulier, c’est le refus d’exécuter les actes de l’autorité et leur congélation pour les motifs inavoués.

Des dessous des cartes ?

Pendant que l’ordonnance du Président de la République faisait injonction au Ministre des Mines de pourvoir à son exécution, le refus ouvert de Martin Kabwelulu Labilo et de Willy Kitobo Samsoni d’installer les personnes nommées par l’ordonnance devrait être questionné.

Serait-ce une guerre des ethnies?

Même si cette thèse ne peut être soutenue avec certitude, elle comporte tous les éléments pour fasciner. Il suffit d’explorer les origines des principaux acteurs pour s’en rendre compte.

Martin Kabwelulu est originaire du Katanga, né à Manono. Il a été succédé par Willy Kitobo Samsoni, un autre katangais né à Kipushi.
Ce dernier au moins avait décidé de suspendre Monsieur Jean-Félix Mupande Kapwa en date du 07 janvier 2021 pour plusieurs dysfonctionnements dans ce service causés par la centralisation du pouvoir autour du DG du Cadastre Minier, avant de voir sa décision annulée par le Premier Ministre Ilunga Ilunkamba, un autre katangais.

Le Chef du gouvernement central demandait, en outre, qu’aucune remise et reprise ne soit effectuée entre le Directeur Général et son Adjoint, nommé par l’ordonnance sous examen. Qui est donc ce tout-puissant Jean-Félix Mupande Kapwa, Directeur Général du Cadastre Minier depuis plus de quinze ans ?

Katangais de son état, il serait très proche de feu Katumba Mwanke.

Quant à Madame Chantal Bashizi Lembo, elle est originaire du Kivu. Dès lors, sa nomination dans les derniers instants de Joseph Kabila soulève un questionnement: ne serait-elle pas influencée par la tendance de désolidarisation des katangais affichée par l’ancien président Kabila vers la fin de son règne ?

En effet, vers la fin de son mandat, l’ambiance étant devenue morose avec les katangais, le fils reprouvé a semblé se tourner vers les ethnies de l’est du pays. Ceci expliquant cela, la manie des katangais de se croire propriétaires des richesses du sous-sol serait à la base de cette obstination observée jusqu’ici. Somme toute, l’existence, la force juridique et la régularité de l’ordonnance n° 18/138 du 27 décembre 2018 constituent des évidences difficilement réfutables. L’État de droit pour lequel le peuple congolais a opté dans la Constitution du 18 février 2006 et auquel il aspire ardemment se traduit par le respect de la légalité.

Refuser d’appliquer la Constitution, la loi ou, en l’occurrence, une ordonnance du Président de la République, c’est voguer contre l’Etat de droit en RDC. Il est simplement inacceptable de sacrifier la légalité sur l’autel des appétits égocentriques familialo-tribalo-ethniques. Tant que cette ordonnance n’est pas exécutée, chaque minute que passe Jean-Félix Mupande Kapwa constitue une criante illégalité et, partant, une mise en veilleuse de l’Etat de droit.
Après seize ans à la tête du CAMI, ce Directeur Général déchu n’a plus rien à démontrer. Son cramponnement à ce poste devrait interpeller.

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